Noël Akchoté – A L’Alcazar
J’aime beaucoup… C’est qui ? (informé). Oh merde !
Ce sont des amis, du moins des proches. Le disque s’intitule « Souvenirs de Paris », une forme de cabaret sauvage. Dans ton dernier disque, il y a aussi de telles réminiscences.
Oui, j’aime la tradition du cabaret et du music-hall, de Joséphine Baker aux Frères Jacques. Trenet, par exemple, est l’un des rares qui me fasse autant d’effets : il m’arrive souvent de verser ma larme. C’est simple, et un peu « mélancolique ». Je fonds très vite. Le music-hall s’inscrit dans la tradition de la mélodie française, qui rejoint Poulenc, Bourvil, les poésie, les surréalistes.
Et le côté foutoir, chansons à boire…
Ouais, le mélange entre Trenet et les New York Dolls, pourquoi pas. Mais c’est surtout le côté divertissement. J’aime penser que mes chansons feront rire ou sourire la personne en face. Quand j’en ai trouvé une, je la joue à mes proches et je suis ravi s’ils sourient. Faire passer un bon moment, amuser, ça compte tout autant que le reste. Ne pas être ennuyeux.
Tu es souvent aux limites, du goût, dans les cordes, dans la voix.
Le charme des autodidactes. Je ne suis pas musicien, je suis juste quelqu’un qui fait des chansons. Je sais bien que je suis toujours dans une limite. Le fait d’être sur un fil, je le perçois comme quelque chose de bon. Je revendique une forme d’amateurisme.
Arto Lindsay – Simply Beautiful
Ah, c’est “Simply Beautiful” de Al Green… Qui chante ?
Arto Lindsay
Tiens, il chante bien. Je ne connaissais pas cette version. (il regarde le disque) Pourrant, j’ai ce disque à la maison. Mais j’ai tellement écouté Al Green. Terrible… Enfin, celle-ci n’a pas l’air mal aussi. Très beau.
Donc, la soul…
Sans être spécialiste, j’en écoute beaucoup. Je connais bien Al Green, Curtis Mayfield… Et c’est vrai que dans « 8ème Ciel », il y a plus d’évocations de la soul, bien que je ne sois absolument pas un chanteur de soul.
Il y a chez Arto Lindsay une fragilité dans la voix qui est proche de ta sensibilité. Il n’a pas une énorme voix, mais il chante toujours dedans. As-tu beaucoup travaillé ta voix ?
Non, c’est plutôt à force de faire des concerts. Je ne fais pas d’exercices, ça ne m’intéresse pas, je travaille pour faire des chansons. Mais c’est vrai que je ne me sens pas très éloigné de ce type de démarche, qui revisite à sa manière des musiques, en les détournant, j’aime bien son mélange de mélodies et de bruitisme : il se permet des grands écarts, en toute liberté. Moi aussi, je ne me censure plus du tout, alors qu’avant, je me privais de certains plaisirs, sans doute affaire d’éducation. Désormais, je n’ai aucun problème, aucun remord, de passer de coq à l’âne, même a l’intérieur d’une chanson.
Et New York, ça t’attire ?
Non, je n’y ai même jamais pensé. Je ne m’imagine pas du tout à New York physiquement (…) mais j’ai beaucoup écouté de musiques américaines : j’ai commencé par Elvis, et puis le Velvet, Monk…
François de Roubaix – La Scoumoune
Etonnant. Ca a son charme... Le son du synthé, c’est plus que limite. Ce pourrait être une production Rectangle : ils sont capables de tout.
Non, c’est François de Roubaix.
Ah, d’accord. J'ai une compilation que j’écoute assez souvent. J’aime bien ce mec, son côté très bricolo. Certaines compositions sont très fortes, harmoniquement, et en même temps, c’est très précieux. Très séduisant. J'adore surtout Ennio Morriccone, le haut du panier !
L’univers des bandes originales est quelque chose que aimerais approfondir ?
Justement, je suis en train d’en terminer une pour un film qui s’appelle « Un homme, et un vrai » des Frères Larrieux. Ca me plait beaucoup ! Ecrire pour le cinéma, ça permet d’aller ailleurs, d’ouvrir des perspectives, de travailler sur une distance plus longue. Je me découvre, je me surprends à composer des choses que je n’aurais pas faites. Il y a cinq chansons, et toute la musique additionnelle. C’est du costaud, parce que dès que tu ajoutes une note, toute l’image peut changer.
Christophe – Le beau bizarre
Il a été question d’une participation à son disque.
Il s’agissait de lui écrire quelques textes qu’il n’a jamais chantés. Enfin si, un quand même. J’ai adoré ça ! Comme ça, sans casque… Quel personnage, très étonnant. Quels univers au studio Ferber. C’est une rencontre mémorable, deux ou trois nuits, que je raconterais à mes petits-enfants. Après qu’il chante ou non mes textes, c’était devenu accessoire. C’était pas un problème
Et puis, il est une voix qu’on peut détester ou adorer, mais qui ne laisse pas indifférent.
Ah, moi, j’adore au plus haut point !
Tom Zé – Mae
C’est très bien. (informé) Je n’ai rien entendu de lui, juste beaucoup lu autour. Là, ça me donne envie d’aller m’en procurer. On peut en écouter d’autres. (regardant la pochette) C’est épatant.
Le Brésil est souvent évoqué dans ta musique, voire paraphrasé.
Quand mon oncle m’a mis une guitare entre les mains, il m’a appris à la manière des Brésiliens. En plaçant mes doigts comme ça, j’ai trouvé d’autres accords, et j’ai eu l’impression d’en découvrir de nouveaux. C’étaient des harmonies qui me plaisaient plus que les accords majeurs. Et puis, cela vient des reprises qu’en ont fait Brigitte Bardot, et surtout George Moustaki, qu’écoutait beaucoup ma mère. Après, j’ai découvert les disques originaux, surtout Joäo Gilberto.
Une guitare et une voix, cela reste le défi essentiel pour savoir si une chanson tient la route.
J’essaie toujours de composer une chanson qui se tienne sans électricité. J’aime avoir ce rapport direct, sans fard, ni maquillage.
C’est ainsi que tu es allé chez Bertrand Burgalat pour lui proposer « Azul », le disque d’Helena, en jouant les morceaux à la guitare avec elle qui chantait ?
Oui, et lui nous accompagnait au vibraphone. Au bout de cinq chansons, il était d’accord pour faire le disque. Il faut s’appeler Burgalat pour procéder ainsi. C’est très démodé comme affaire, mais cela reste un grand souvenir. L’idée de maquetter ne me plaît pas trop, je préfère travailler avec mes musiciens, en improvisant, tout comme j’essaie d’écrire des paroles qui soient ouvertes, que l’on puisse mettre à l’envers, que l’auditeur puisse découper, intervertir, et reconstruire. Que ce soit vivant, et il n’est pas utile de comprendre le sens. Les choses trop frontales, trop à sens unique, je n’y arrive pas. Un peu comme les remixes, même si on m’en a fait, même si j’en ai fait un ou deux, il y a trop souvent un côté trop systématique, sans part de hasard. Tout est écrit à l’avance.
Ton écriture est comparée aux surréalistes.
J’écris très vite. Dans l’urgence. Des relevés de rêves, notamment sur le dernier disque. J’ai une technique pour cela : j’arrive à me réveiller pour écrire une chanson que je chante en rêve. Il y en a quatre ou cinq sur « 8ème ciel », ou alors des récits de rêves. Je ne sais pas si c’est de l’écriture automatique, mais c’est en tout cas tout sauf intellectuel. C’est quelque chose de nerveux, de physique. Faut garder la santé, se vider.
La compagnie des musiques à ouïr – Dédé L’Indien
Ca me plait bien. J’aime les anomalies, ce qui est le cas ici. J’avais repris aussi « l’été indien » en faisant chanter ma sœur, de manière détournée, en inversant les couplets si je me souviens bien. Mais ce n’était pas fait pour rire. Enfin, Joe Dassin, c’est quand même hard. C’est affreux la plupart du temps. Très démago, très bas de gamme, la vache. Ouah !
Dans ta musique, l’humour est toujours à double sens, dévoilant une part de schizophrénie. Justement, tu as créé des personnages, Boulette et le Général Fifrelin. Qui est-il ce bon vieux Général ? Une part de toi ?
C’est quelqu’un qui a écrit plus de 800 chansons depuis 1975. Frifrelin est très ambigu : détestable et très attachant. Ce serait trop facile qu’il ne soit que repoussant. Il ne sait juste pas quoi faire de ses ambiguïtés. Il est très renfermé. Ses volets sont fermés, il n’y a que la télé, il développe un univers autiste. Alors biensur, il y a une part de moi là-dedans. Tout comme Boulette, qui développe quelque chose d’unique en son genre (sourire). Dans ses aspects énervés, et surtout sur le côté hospitalisation, médical, qui me chamboule toujours. Mais attention, ce n’est pas moi.
Ashley Slater – Something stupid
Ashley est sur mon disque, au trombone… J’aime bien la dernière période de Sinatra, celle où il est un peu brisé. Un peu comme quand Burt Bacharach chante, c’est fantastique. C’est un monstre ! Ça donne une autre dimension aux chansons.
C’est une production Plush avec les Recyclers. Ce sont eux qui signent les arrangements de ton disque.
Je joue la chanson une ou deux fois, j’indique un chemin. On prend le tempo, et puis chacun cherche dans son coin dix minutes, comme un petit atelier. Pour « 8ème ciel », nous avons eu plus de temps, mais c’était plus huilé. Par rapport au précédent, on a trouvé une harmonie de travail qui a prit son ampleur. Nous étions comme dans une salle de jeu, avec une liberté totale, où tout semblait permis. Et après, j’essaie de m’arranger de tout ça.
Il y a un avant et un après les Recyclers. J’ai l’impression qu’ils ont permis de tout exploser, de te désinhiber.
La premières fois que j’ai joué avec eux, ça a été comme un coup de foudre, une évidence. Ca m’a un peu structuré, pour mieux me reconstruire. Avec eux, tout paraît envisageable. Chacun est très complémentaire, chacun mène ses projets, très pertinents. Depuis « Les créatures », il y avait vraiment une nécessité de s’y remettre, d’aboutir un travail… Dont on ne voit toujours pas le bout d’ailleurs.
Dans ce disque, il y a plus d’improvisations, mais plus de machines aussi
Et plus de guitare, avec Philippe Eveno. On a enregistré de nombreuses versions, on a eu le temps de creuser davantage. On trouve beaucoup d’idées sur place, qu’on essaie de pousser jusqu'à cinq heures du mat’. Ce disque aurait pu être radicalement différent. Je voulais quelque chose de très baroque ! Que ce soit une jungle ! Qu’on puisse s’y perdre, avec des fausses routes et des racines, et puis des clairières. Quelque chose de sauvage.
Philip Catherine – Tiger Groove
Qui joue ?
Philip Catherine, l’autre !
C’est un Belge, hein… Je ne l’ai jamais rencontré, mais je sais que des gens vont le voir en pensant me trouver, et vice-versa. Du coup, il y a pas mal de mécontents. J’ai juste entendu un thème avec Chet Baker et une chanson qu’il a composée pour Robert Wyatt, fantastique. Un bijou. Ca m’a un peu emmerdé, j’aurais bien aimé que ce soit moi. Il y a des gens qui le croient et moi, je ne réponds pas. Qui ne dit rien consent.